Je commence toujours par la matérialité – même numériquement, je vais aller chercher la texture, le relief, le sauvage. Le textile ou la sculpture permettent ce contact avec la chair de l’œuvre, qu’elle soit douce et souple ou dure et friable. Dans ce dialogue avec la matière par les matériaux, je laisse fuser le farouche, l’audacieux, le primitif et par là-même, l’authentique. Je déconstruis, déséquilibre, coupe dans le vif, fragmente et arrache le trop conforme ou le trop ressemblant.

Je laisse ensuite les couches du medium se superposer, s’empiler, s’assembler, s’entrelacer mais aussi se creuser ou se vider – que ce soit en peinture, en gravure , en modelage ou dans la délicatesse des fils et des trames, des fibres et des grammes… Dans ce processus de reconstruction apparaissent les formes, les visages et les corps.

Quand le personnage apparaît, je m’assieds, je le regarde et je l’écoute. Une partie plus onirique et réceptive s’engage dans un dialogue avec l’œuvre qui cherche à naître. La délivrance peut prendre quelques heures ou quelques mois. On ne sait jamais quand une œuvre annonce qu’elle est née. 

Parfois, l’œuvre m’apparaît dans un songe, comme un appel impérieux. Janus ou Sedna font partie de ces créations soufflées par mes visions. Ce n’est que lorsqu’elles sont achevées que je sais pourquoi elle voulaient prendre forme.

Parfois, l’œuvre est issue de mes pratiques relationnelles. Elle est alors un patchwork de rencontres, de dialogues et de liens extraordinaires, vivante mosaïque expressive.

Toujours, créer est un appel irrésistible. Depuis que je sais manier un crayon, j’écris des histoires et des poèmes, je dessine partout et tout le temps, je peins et je collage, je grave et je modèle, je pixelise et je vidéote… n’importe quoi pourvu que je crée chaque jour un nouveau monde.